Aux petits oignons
« Lentement, avec soin, pour que ça dure encore, je faisais la cuisine pour ces gens absents pendant ces après-midi-là. je faisais une soupe pour qu’ils la trouvent prête au cas où ils auraient très faim. s’il n’y avait pas de soupe prête, il n’y avait rien du tout. S’il n’y avait pas une chose prête, il n’y avait rien, c’est qu’il n’y avait personne. Souvent les provisions étaient là, achetées du matin, alors il n’y avait plus qu’à éplucher les légumes, mettre la soupe à cuire et écrire. Rien d’autre. » Marguerite Duras La Vie matérielle (éd. folio p. 54)
Cette expression, « Aux petits oignons », digne des cordons bleus les plus fins désigne quelque chose de parfait, préparé avec beaucoup de soin. Lorsque l’on prépare un plat avec soin, il arrive qu’on l’accommode avec des oignons finement coupés et dorés à la poêle, d’où la naissance de l’expression « préparer un plat aux petits oignons ». Ce n’est qu’à partir du milieu du XIXe siècle que l’expression s’est ensuite étendue pour évoquer quelque chose que l’on a préparée en y mettant tout son cœur.
De tout son cœur, c’est sans doute comme cela que Marguerite Duras faisait la cuisine pour les gens qu’elle aimait. C’est ce qu’elle laisse entendre dans ce passage : « je ne suis pas très expansive, mais les gens ne se trompent pas là-dessus parce que je leur donne à manger… Je ne leur dis pas que je les aime, ne les embrasse pas, je ne suis pas quelqu’un de tendre, alors je fais à manger pour les autres…. » (La cuisine de Marguerite, p. 46)
ça mijote !
L’expression « aux petits oignons » fait également penser aux plats qui mijotent lentement au coin de la cheminée ou plus récemment sur les cuisinières à bois. Généralement appelé pot à cuire, sa forme s’adapte aux types d’ingrédient : daubière, caquelon, plat à cassoulet, plat à poisson…. marmite, cocotte, etc. Par extension dès le moyen-âge, le pot à cuire a donné le nom « potage » aux aliments cuits à l’eau (voir « Les petits plats dans les grands » ).